dimanche 17 août 2014

Pic - Grenoble du 17-08 par Frigorifix

Décollage et date : Pic des Mouches (Mtgne Ste Victoire) - 17 Août 2014
Atérro : Saint Nazaire les Eymes village (38 - Isère)
Distance : 200km (2pts) Frigo

Description / Points forts / Débriefing :
Tant que c’est encore chaud dans mes esprits, j’en profite pour faire un petit récit de ce vol bien sympathique.
Le contexte : pas eu beaucoup de temps pour voler cette année, pas eu non plus une météo très favorable. Du coup plutôt motivé pour rentabiliser les bonnes journées, comme s’annonce celle d’aujourd’hui avec des plafonds corrects, relativement peu de vent météo et aucun risque de surdéveloppement (ça change du vol que j’ai fait début août tout dans l’ombre des congestus de Riez à Guillestre).
J’applique la théorie de Luc : les bonnes journées, être tôt au déco (et décoller tôt). J’arrive à 11h au Pic, non sans en avoir bavé avec mes 27Kg de barda. Le temps d’être rapidement rejoint par une belle brochette : Yann et Marcos, Pascal, Guigui, Jml, Gao, Tristan, Rolland…etc… La palme à Guigui qui est descendu en covoiturage à l’arrache de Grenoble pendant la nuit et qui doit être rentré chez lui ce soir pour rebosser lundi à 5h du mat. But déclaré : Grenoble.
Un couple de pilotes volant pour la première fois au Pic décolle tôt pour ne pas se mettre dans des conditions trop « musclées » et alors qu’il n’est pas encore midi, on les regarde se faire monter au plaf sans forcer. Ça s’agite un peu au déco (le Bauju n’étant pas là pour mettre en garde les pilotes du « fameux » trou de 13h !). Le déco s’alimente rapidement et j’emboite le pas à Tristan qui a ouvert le bal des crosseux, rapidement rejoint par GuiGui, Yann et Marcos.
Tristan nous met une belle valise en faisant le plaf pendant qu’on est encore à la recherche d’un moyen de s’extraire du massif et le voilà en route plein nord dans un ciel qui tarde quand même un peu à s’allumer sur cet axe.

Au-dessus de la Sainte-Victoire, Marseille et la méditerranée au loin

On finit tous les 4 par atteindre 1900m et commencer la balade. Arrivé aux Ubacs, deuxième valise pour ma pomme, les trois autres énergumènes sortent rapidement au-delà des 2000m pendant que je ratatouille péniblement à 1400 avec Rolland. J’aperçois GuiGui qui file plein nord alors que Yann et Marcos semblent décidés à partir vers le Nord-Est.
Enfin un thermique correct me permet de faire 2300 vers la Vautubière et cette fois c’est vraiment parti ! Le ciel commence à être plus joli même si les cycles sont assez courts avec des rues espacées qui s’allument et s’éteignent rapidement.

Le Ventoux à gauche, Lure à droite

Je m’applique à ne plus faire de point bas et cela fonctionne assez bien jusqu’à Forcalquier où je rejoins Tristan qui vient de se faire dépasser par GuiGui.
Là c’est plus dur, un passage avec une finesse digne d’une brique me rapproche dangereusement du sol. Mais cette crête nord-sud à côté de Forcalquier ne m’abandonne pas (une fois de plus) et profitant de l’inactivité de la R71A, je monte gaiement à 2450m avant d’attaquer la première montagne, et pas des moindre : Lure et son sommet de crête à plus de 1800m. Je vois Tristan batailler comme un beau diable au pied de cette crête un moment pendant que Yann et Rolland sont en train d’enrouler aux abords de Manosque. Marcos, Jml et Pascal ont pris l’option NE et sont en balade sur le plateau de Valensole.


La montagne de Lure

Le franchissement de Lure, c’est rarement anodin. Cette infernale pente douce en face sud, peuplée uniquement d’arbres avec aucun atterro digne de ce nom, balayé souvent par du météo de Sud assez fort rendant le demi-tour et le posé au pied virtuellement impossible… Un beau programme. L’idéal c’est forcément de se refaire avant de se retrouver les pieds dans les arbres à se demander lequel sera le plus accueillant si on ne trouve pas un vario positif… Mais malheureusement ça ne marche pas à tous les coups ! Je me retrouve donc coincé 400m sous le sommet à contempler des options de posés scabreux… Je bataille et une fois en finesse d’une zone posable au niveau de la station de ski, je respire à nouveau. Coup de chapeau à Yann qui arrivera plus tard exactement au même endroit que moi, 100m plus bas et qui a aussi du méditer l’option arborée un long moment ! J’ai l’impression que le secret du passage de cette montagne, c’est de ne surtout pas se retourner.. . Sinon on constate qu’on a la finesse de son parachute de secours et aucune chance de rejoindre la moindre vache.
Je sors à 2300m à l’aplomb du sommet pendant que Guigui est en train de se refaire de l’autre côté de la vallée du Jabron. Quelques barbules forment en face Nord de Lure, parfait 2600, ça va permettre de rejoindre l’autre côté à une altitude confortable et éviter le grattage de cailloux qui nous avait occupé GuiGui et moi la dernière fois qu’on était dans les parages. C’est même un franchissement du Jabron idéal : arrivé de l’autre côté à 2150m, directement dans le thermique. Du coup le cheminement jusqu’à Laragne est une formalité.
Un joli cum m’attend sagement sur Chabre et je m’applique pour être bien placé pour la suite : Orpierre puis les Antennes de Beaumont. Je suis juste dans l’allumage d’une superbe rue de cumulus et ça va être parfait : 3100m au-dessus d’Orpierre en compagnie d’un planeur, le temps de manger un peu le nuage et de glider dans la ouate, je ressors pour mieux rentrer dans le suivant à l’aplomb des Antennes. Les instruments confirment mon impression : je suis déjà à finesse d’Aspres. Ça m’arrange bien et surtout ça me permet d’éviter deux montagnes sur lesquelles j’ai essentiellement des souvenirs de grattage prolongé avant d’arriver à s’extraire. En regardant a posteriori la trace de GuiGui, je m’aperçois d’ailleurs qu’il a survolé ces deux montagnes sans pouvoir refaire le moindre gain.

Après les antennes de Beaumont, cap sur Aspres

Du coup je pars pour un glide digne des Alpes du Nord, 17km qui me laissent le temps de ranger les mains dans le cocon pour les réchauffer (c’est pas tout ça de passer son temps dans les nuages, c’est qu’au bout d’un moment on se tape l’onglet !).
Arrivé sur Aspres, j’hésite à me mettre sur la face SO qui est dans l’ombre d’un cum qui se délite, et j’opte pour la face Sud qui m’a déjà ressorti facilement par le passé. Malheureusement cette fois-ci c’est beaucoup plus laborieux. Le vent est bien travers et assez soutenu pour rendre les thermiques hachés et difficilement exploitables. Je repasse sous la crête en pestant pendant que deux deltistes se font plomber devant moi… Un rapace me passe en bord de plume, lui aussi à la recherche d’une pompe digne de ce nom. On sort les griffes tous les deux dans un pet de mouche qui dérive pas mal et que je suis obligé de recentrer à trois reprise pour arriver à en tirer réellement parti. Vers 2300m, plus moyen d’arriver à en tirer quoi que ce soit et je pars au Nord, pas trop content de devoir rentrer dans le Dévoluy en grattant les cailloux. Pas moyen d’avoir GuiGui en radio.

Là on voit que Guigui il part vers le Dévoluy en bien meilleure position !
Droit devant la montagne de Durbonas

Un relai sur la montagne Durbonas où mon C-Pilot décide de s’éteindre voyant que ça remuait trop. Parfait… Je continue à me faire chahuter 3 minutes sans instruments avant de lâcher une main tremblante pour rallumer l’électronique embarquée. Le temps que tout soit revenu à la normale, j’ai perdu le thermique mais au moins j’ai un peu plus de gaz pour rentrer dans le massif.


Un peu de bidouille en bordure de vallée avec des cum capricieux, je regarde la chaine qui se déroule jusqu’à l’Obiou en sachant bien qu’il va falloir aller s’y frotter.


La tête de Vachère (GuiGui est passé plus à l’Est, il aime bien les cailloux, c’est connu)

Je contourne d’un peu trop près la tête de Lauzon et je sens bien que je passe sous le vent  du coup je file me jeter au pied du Grand Ferrand. Sauvé par un thermique bien organisé, je monte et je peux apprécier l’imposant cailloux bientôt sous mes pieds. Quel contraste avec le vol de début mai où tout était recouvert de neige (cf. toujours les super photos de Guigui !). Là c’est du minéral brut et imposant.  

Le Grand Ferrand vu de dessus

J’arrive au premier nuage qui forme sur mon axe et le temps de rentrer dedans pour sortir vers 3000, je vois qu’un suivant s’allume vers l’Obiou. La transition est magique, entre les barbules avec une finesse de planeur dans un air adouci, la grande tête de l’Obiou à portée de main.

L’Obiou droit devant !

Bon, c’est pas tout ça, mais j’arrive au bout du massif et une longue transition se précise devant moi. En mai, on était poussé par du vent du Sud plus fort qu’aujourd’hui et du coup on avait opté pour un cap plein Nord, vers le Tabor, Grand Vent et Grand Serre. Aujourd’hui le vent étant moins fort et les seuls cum étant vers le Taillefer, j’ai bien envie de passer de ce côté, ça me permettra aussi de raccourcir la transition. Je profite de la masse d’air pour sortir la radio de la poche et tenter de joindre à nouveau GuiGui. Bingo. Il a une demi-heure d’avance et a aussi pris cette option. J’entends son vario chanter alors qu’il est sur le Taillefer, parfait !

Le temps d’assurer au maximum dans un petit thermique en sortie du massif, me voilà à 2800m prêt à transiter sur le Coiro. Autant en grattant sur Aspres, je ne me voyais pas à Grenoble, autant maintenant ça serait dommage de passer au travers ! Il n’en reste pas moins que pour franchir Chamrousse, il va falloir garder un peu de concentration.


Le Coiro coiffé par un beau cum alors qu’à l’ouest le Tabor fait tout de suite moins rêver

Arrivé à 2000m sur les pentes herbeuses du Coiro, c’est du pur bonheur. ça tient en dynamique, au raz de l’herbe. Si il n’y avait pas le soleil qui déclinait et l’inquiétude que la convection n’en prenne un coup, je serais bien resté là à faire des waggas avec les rapaces qui s’amusaient autour de mon aile.  


les pentes herbeuses du Jas d’Oris

La remontée à 2800 se fait sans encombre et je transite sans trop oser me rapprocher des crêtes, posé par un vent du sud toujours bien présent. Bon je vois que GuiGui, comme à son habitude, est allé sucer les cailloux du Grand Armet, moi je me suis contenté de zéroter un peu devant avant de me lancer sur le Taillefer.  


Les combes derrière le Coiro


Le Grand Armet avec encore quelques cumulus et le Taillefer à gauche


The Taillefer

Un fois sur ce gros cailloux, ben ça se confirme, à 2600m, on est loin du sommet (2850m), le vent du Sud vient ricocher dans les pentes et donne du Sud-Est assez turbulent.  


Toujours le Taillefer et la Pyramide

Pas moyen de reprendre grand-chose, juste le temps d’admirer le lac de Bouffier et de vérifier que je vais bien arriver au-dessus de Chamrousse avant de se lancer dans la dernière transition du vol. Ça dégueule un peu avant la Séchilienne, avec des pointes sur le GPS à 70km/h… Ça semble cuit pour tenter quoi que ce soit sur Chamrousse.  


La Séchilienne et Chamrousse à portée de glide

Raccrochage de Chamrousse sans problème, juste en face de l’Aiguille où je peux voir la flamme du déco complètement travers pendant qu’un parapentiste se fait trainer dans les pentes herbeuses de la combe Sud en tentant de faire du gonflage. Pas moyen d’aller se jeter sous le vent au pied du Grand Colon pour aller plus loin.  

Chamrousse

Il ne me reste plus qu’à profiter de la suite de mon glide final en direction de Lumbin. Les faces Est de la Chartreuses entièrement dans l’ombre, ainsi qu’un bonne partie de la vallée du Grésivaudan.


Dent de Crolles, droit devant !


Un dernier coup d’œil sur Belledone, non définitivement, ça aurait été dur de continuer !

je sais qu’il faut que j’optimise pour passer la barre symbolique des 200 kilomètres. On range les bras et on surveille les instruments. J’attends de voir à quel moment je vais buter sur la brise de Chambery…


Un peu avant Crolles, ma finesse devient très médiocre, il ne me reste plus que 350m d’altitude à utiliser, ça me semble compromis pour aller poser à Lumbin, du coup j’optimise la fin du glide en redescendant la vallée en direction de Grenoble. Un dernier petit calcul mental, un dernier bout de champ pour poser en un virage. Bim, posé à 9km de Lumbin, ça va se jouer à quelques centaines de mètres cette affaire ! En effet, une fois la trace déchargée le lendemain, 200.34km. Comme me le faisait remarquer GuiGui, dans le sens inverse (199.7km) ça aurait été un peu agaçant !
En parlant de GuiGui justement, il a lui posé à l’atterro officiel de Lumbin, avec un dernier glide millimétré. Son objectif du jour est rempli, la classe à Dallas… Une technique qu’on appréciera : il commence son vol par la récup, ensuite il n’y a plus qu’à rentrer à la maison !
Marie, ma merveilleuse moitié, me rejoint une demi-heure plus tard, pendant que je discute avec un couple de randonneurs qui vivent vers Chamrousse. « Vous venez de Saint-Hilaire ? », « non, d’Aix-en-Provence » … « houla, ben ça doit faire une sacrée promenade ! ». Je confirme, ça fait une sacrée promenade.
Il ne nous reste plus qu’à monter vers ce cher tremplin Delta de Saint-Hil pour poser le camion, profiter d’une bière fraiche bien méritée, embrasser mon petit qui a été un ange et a supporté de suivre son papa jusqu’en Isère sans rouspéter.
Une courte nuit à se refaire le vol dans la tête, et il est temps d’admirer le lever du soleil sur la dent de Crolles avec café, croissant et la banane !






Frigo

Trace : Déclaration CFD


11 commentaires:

  1. Bravo les gars. Bien joué.
    Quand je pense que ce jour là j'ai raté mon vol....!!! J'enrage...
    Vu les préviz, j'avais dans la tête de tenter Briançon et au passage le record de Signes. Le ciel étant allumé dès 11h à Signes j'ai décollé tôt... Trop tôt apparemment. Quoique Luc et Marc ayant décollés 10 min après s'en sont sortis à force de patience et Luc s'arrête à St-Vincent à 18h car boulot le lendemain... Quel gâchis !
    Bon ben c'est la vie du parapente : des fois ça marche et des fois pas !
    Bravo encore à tous ceux qui se sont fait plaisir ce jour là !
    ksuxcle

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  2. Toute ressemblance avec les photos prises par GuiGui est purement fortuite... (bon, c'est bien pratique d'avoir un pilote avec un appareil photo !). Je ne peux m'attribuer que le petit crédit des dernières photos, quand j'ai pu lâcher les mains pour sortir mon téléphone et faire quelques images du glide final.

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  3. Encore Bravo Laurent!
    Et lire l'article, alors que la météo est propice à une dépression, permet de voler...par procuration ;-)
    Vivement le prochain!!

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  4. Bravo Frigo et super pour la longueur du récit à la hauteur de la longueur du vol
    Nownow

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  5. super, et on va avoir des tas de choses à se raconter à l'AG et à la remise des prix, car il y a des dossiers à foison....

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  6. Ah !!!! le fameux trou de 13h00, ben je vois que quand on décolle avant, on n'est plus dedans quand il se pointe ....
    Bon, comme on dit : " Jamais deux sans trois", je vois bien le Frigo se retaper un Pic / Grenoble d'ici la fin de la saison !!!
    TOTAL RESPECT

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  7. FA BU LEUX !! çà laisse rêveur...il y a bien longtemps que l'on avait pas eu de récit comme le tien; merci. Frigo ..200 patates tout de même !!!

    jmr

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  8. Une fois c beau, mais deux fois c'est de la maitrise!!!Tiens cette fixette sur le deco delta , ca veut il dire que tu va t'y mettre? Laisse tomber tu vole aussi bien en parapente !!!!!!!

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    1. Ahhh, le déco delta de Saint-Hil... Si tu regardes la vidéo en lien dans l'article, tu verras que c'est un lieu de sacrés bons moments (d'ailleurs au levé do soleil, j'ai regretté de ne pas avoir ma fidèle Pil-Pit pour redescendre dans la vallée !).

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  9. 1 REGAL. !!!!
    Merci d'avoir pris du temps pour partager .
    Willy (l'embrouille)

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  10. Oui Bravo, ça me parait incroyable et pourtant !
    Quel Vol !
    Romain

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